CHAPITRE III.

Le projet Gloria est une promesse de festivité, d’optimisme et de joie pour Saint-Julien, face à une période de grande incertitude et dans la morosité d’une France d’après-guerre.
Un rêve impossible
On dit que les entrepreneurs voient des opportunités là où les autres ne voient que des problèmes.
Au milieu des années 1930, même les plus grands crus classés rencontrent de sérieuses difficultés financières et commerciales. La plupart des domaines cherchent à faire des économies ou à consolider leurs vignobles, et Henri Martin se prend à rêver qu’un jour, il pourra mettre en pratique ses connaissances, sa vision et son expérience uniques.
Pensant qu’il ne pourrait jamais acheter un domaine classé (ces domaines passaient rarement d’une famille à une autre, et encore moins en dehors de la grande bourgeoisie), il échafaude un plan innovant.
Il se met à racheter des parcelles de vignes d’exception, éloignées du reste du vignoble principal.
C’est le début d’un jeu de persuasion. L’acquisition et l’assemblage de ces parcelles représentait pour lui l’œuvre de sa vie, un rêve dont Henri ne faisait part à personne, même pas à sa famille et à ses amis les plus proches.
Son but n’était pas simplement de produire un excellent vin, mais de construire un patrimoine qui serait à la hauteur des meilleurs vins de Bordeaux, une ode à la persévérance et à l’esprit d’innovation.

Convertir l’Amérique
Dans les années 1960 et 1970, Henri se reprend à rêver. Cette fois-ci, il imagine Château Gloria en superstar internationale, à une époque où seuls les Premiers Crus étaient vraiment connus de l’autre côté de l’Atlantique.
Il parcourt les Etats-Unis, organisant des conférences de presse et présidant des banquets, en tant qu’ambassadeur des vins de Bordeaux et son approche révolutionnaire, son charme avenant et son fort charisme gagnent le cœur des amateurs américains.
Lorsque 15 caisses de Château Gloria 1961 sont offertes et servies au banquet new-yorkais annuel de la Commanderie du Bontemps du Médoc en 1975, le nom de Gloria est sur les lèvres de tous les collectionneurs et acheteurs de vins les plus pointus.
Henri comprend l’importance des médias et attire l’attention du rédacteur du New York Times, grâce à son histoire et son vin vif, floral et riche à la fois. Un article de fond du NYT Magazine, publié en 1976 et intitulé « Le Miracle de Château Gloria », entraine une demande extraordinaire pour ces vins dans toute l’Amérique.
La réussite d’Henri Martin est célébrée et la réputation de Gloria est faite à jamais, alors que ses vignobles couvrent désormais près de 50 hectares.


La dévotion d’Henri est indéfectible et sa mission claire : mettre en avant le potentiel du terroir de Saint-Julien et créer des vins suaves et expressifs qui apportent de la joie à tous ceux qui les goûtent.

Léguer 2 héritages

Son premier rêve réalisé, Henri comprend qu’il ne lui reste qu’une chose à faire pour sceller son héritage. En 1981, il acquiert Château Saint-Pierre, le domaine classé en 1855 situé au cœur de son village natal, là où son père avait implanté son activité.